fais-toi confiance, qu'il glisse à son oreille, sous les lumières de la boite. ce qu'elle fout ici ? elle-même ne le sait pas. elle, elle n'a jamais eu beaucoup d'amis, préférant la compagnie d'une tasse de thé, d'une bonne musique et d'un ordinateur. solitaire, elle l'a toujours été. renfermée aussi. alors, qu'est-ce qu'elle peut bien foutre, là, calée dans les bras d'un type qu'elle ne connait qu'à peine ? bien-sûr qu'elle la voulait, sa belle histoire, avec des fleurs, des papillons dans le ventre et des déclarations impressionnantes. elle voulait tout ça et tellement plus encore, ce cœur sombre et pourtant mou comme de la guimauve. alors pourquoi, pourquoi elle est là, prête à le faire ? prête à accepter qu'il l'embrasse, comme ça, alors qu'elle se souvient à peine de son prénom ? peut-être que c'était ce qu'il devait se passer. peut-être que ce n'était que la suite logique des choses. ou peut-être que le destin n'était qu'un vilain farceur, prêt à tout pour semer la pagaille.
et tu la connais depuis longtemps, cette nana ? ses yeux refusent de décrocher le regard de celui qu'elle accuse. de son côté, l'homme garde le silence, inspire de grandes goulées d'air. comme pour ne pas craquer. pour ne pas lui dire que c'est la dernière fois, qu'il ne supporte plus tout ça. il ne sait que trop bien comment tout ça risque de se terminer. et ça, il ne le veut pas. mais comment faire quand elle est là, prête à lui tirer du nez des verres qu'elle ne trouvera jamais ? c'est avec elle que tu traines tous les soirs ? c'est pour ça que t'es rentré tard toute la semaine, hein ? sa voix n'est que l'écho du noir qui a déjà inondé son regard. elle l'accuse, là, sans preuve et sans pression, de l'avoir trompé. encore. encore et toujours. alors qu'il serait déjà loin, tellement loin, s'il n'avait pas envie d'elle à ses côtés. mais je t'ai déjà dit que non ! alors, si je te dis oui, tu fais quoi ? tu me crois ? alors que ça fait deux jours que j'te répète que je la connais à peine ? c'est déjà trop tard. trop tard, parce qu'elle refuse de l'entendre, et qu'il est fatigué de se répéter. dialogue de sourds. comme d'habitude. t'es insupportable, tu sais ça ? t'essaies toujours de créer des problèmes, t'aimes trop ça, quand y'en a pas c'est toi qui les inventes, comme si tu t'ennuyais tellement que t'avais besoin de ça ! un silence de mort. des respirations courtes. un rouge cramoisi qui monte aux joues. trop. tard. sans prévenir, judy se met à hurler, hurler sa haine contre lui, hurler sa crainte, hurler des vérités qui n'existent que dans sa tête. j'te déteste, okay ! tu l'sais ça ? le problème, c'est toi, c'est toi et tes putes ! tu sais quoi ? t'as qu'à aller la voir, cette vieille pimbêche, et tu lui feras tout c'que tu veux dans mon dos et tu sais quoi ? t'as qu'à aller voir toutes les autres, toutes celles qui t'envoient des textos jusque tard dans la nuit, va voir tes putes et reste avec elles ! elle crie, de tristesse et de détresse. d'une jalousie inexplicable autant qu'inexpliquée. et il tente, encore et encore, de lui faire entendre raison. cette vérité, elle la connait autant que lui. mais on serait pas sur le point de se marier si j'avais besoin d'autres putes ! elle lève des yeux inondés vers lui, en rage et en nage. d'autres putes ? d'autres putes ? c'est toi la pute ! va-t-en. casse-toi. je te promets, déjà ou j'appelle les flics et je leur raconte que tu m'as tabassé. BARRE-TOI ! elle en est capable et il le sait. parce qu'elle l'a déjà fait. alors, après une énième tentative d'excuse, il attrape sa veste et franchit le seuil. c'est déjà trop tard. ils ne le savent peut-être pas, mais tout est déjà terminé.
trois jours qu'elle ne l'a pas vu. trois interminables jours durant lesquels elle a occupé son temps entre pleurs, tentatives de rédaction d'articles et défoulement sur ses ongles innocents. elle n'en peut plus. elle déteste vivre avec lui, parce qu'elle sait qu'un jour il s'en ira. vers une autre. vers une meilleure que lui. mais, ce qu'elle déteste encore plus, c'est vivre sans lui. loin, loin de son rire, de sa voix, de ses caresses et de sa douceur. loin de cet être qui promettait de l'épouser, et qui a claqué la porte pour ne plus revenir. il revenait toujours, avant. il attendait qu'elle se calme, il rentrait, tentait de l'embrasser, elle l'esquivait, il revenait, et c'était réglé. sauf cette fois-ci. celle-là, il n'est pas revenu. peut-être ne reviendra-t-il jamais. c'est fou, de se rendre compte de l'importance des gens seulement lorsqu'ils s'en vont. tout était déjà foutu.